Malgorzata Kowalczuk, présidente de l'association des conseils citoyens de Wattrelos

Mis à jour le 03/05/2019

À la suite de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, qui réaffirme que « la participation des habitant-es des quartiers à la vie citoyenne constitue une dimension majeure de la politique de la ville », des conseils citoyens ont progressivement été mis en place dans l’ensemble des quartiers prioritaires. Ils ont vocation à conforter les dynamiques citoyennes existantes et à garantir les conditions nécessaires aux mobilisations citoyennes (expertise partagée, place des habitants dans toutes les instances de pilotage, création d’un espace de propositions et d’initiatives). Composé de membres de collèges « habitants » et « acteurs locaux », le conseil citoyen exerce son action en toute indépendance dans le respect des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, de laïcité et de neutralité. Il s’agit d’un « outil de démocratie collaborative », devant rendre chaque habitant pleinement acteur.

A Wattrelos, le conseil citoyen a été labellisé par arrêté préfectoral en janvier 2017. Deux quartiers de cette commune de 43 000 habitants sont inscrits dans la nouvelle géographie prioritaire :

- le quartier de Beaulieu, dans sa centralité, avec 3 300 habitants, qui a bénéficié du programme de l'ANRU 1 entre 2007 et 2013,

- le quartier d’Epidème-Villas Couteaux, avec 5 200 habitants, ciblé par le NPNRU 2.

Sur ces territoires qui cumulent de multiples difficultés, notamment sociales, des habitants sont donc volontaires pour apporter leur contribution aux projets. Parmi les 21 habitants et 13 acteurs locaux impliqués figure une résidente du quartier de Beaulieu, Malgorzata KOWALCZUK, qui est devenue présidente du conseil citoyen en 2018.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis une maman célibataire avec 3 adolescents. J'ai été assistante maternelle, mais aujourd'hui j'ai un autre projet en tête. J'habite le quartier de Beaulieu depuis 7 ans. Avant cela je résidais à la Mousserie, prés du quartier des Villas-Couteaux.

Vous résidez à Beaulieu, un quartier inscrit dans la nouvelle géographie de la politique de la ville. Le saviez vous avant de vous engager dans le conseil citoyen ?

Non je ne savais pas que le quartier était inscrit en géographie prioritaire. J'ignorais d'ailleurs tout de ce zonage au titre de la politique de la ville.

Quel regard d'habitante portez-vous sur le quartier de Beaulieu ? Mais aussi sur celui des Villas-Couteaux (inscrit également dans la géographie prioritaire de la politique de la ville) ?

Beaulieu est un quartier qui a fort évolué. C'est un quartier plutôt propre, agréable à vivre. Les impacts de la rénovation urbaine ont amélioré son image. C'est un secteur qui apparaît aujourd'hui aéré.

La population qui y réside est mixte… des jeunes, des moins jeunes. Je trouve que le quartier est à l'image de sa ville. Mais il manque cruellement de commerces. Quand le magasin Carrefour Contact était ouvert, cela apportait un vrai service à la population. Sa fermeture a été vécue comme un drame...il faut maintenant pour faire ses courses sortir du quartier. Des personnes n'ont pas cette possibilité à cause de leur âge ou parce qu'elles ne sont pas véhiculées. Et prendre le bus c'est assez long et pas toujours facile.

Villas-Couteaux est un quartier enclavé, morose. Il fait peur et on n'a pas envie d'y entrer. Les ruelles sont bordées de grands bâtiments lugubres et le sentiment de pouvoir faire une mauvaise rencontre est très fort. L'intérieur des bâtiments est mal disposé, un concept très ancien et inadapté.

Je m'interroge sur l'idée recherchée par les architectes de l'époque ! Les logements sont exigus. Dans le quartier, il n'y a plus de vie, c'est un quartier sans âme.

Ce regard est-il partagé par les habitants que vous rencontrez régulièrement ?

Quand j'échange avec les habitants, je constate que leur description des quartiers correspond à la mienne. Ils auraient sans doute encore davantage de choses à dire… par exemple à Beaulieu, l'esplanade et son aménagement suscitent des questions (un terrain de basket qui sert de parking, une aire de jeux pour les enfants absolument pas sécurisée…).

Comment avez-vous été informée de l'existence de la mise en place des conseils citoyens dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ?

C'est le chef de projet de la commune qui m'a informée de cette nouvelle instance. J'étais repérée comme une maman engagée en ma qualité de représentante des parents d'élèves à l'école Brossolette. La ville a largement communiqué en direction des habitants par l'envoi de flyers dans les boites-aux-lettres. Les habitants intéressés devaient se manifester auprès de la ville. J'ai répondu favorablement.

Le volontariat est une base de l'engagement au sein d'un conseil citoyen. Pourquoi faire ce choix ?

Je veux être une citoyenne active. Le conseil citoyen me paraissait être une bonne opportunité pour l'exercice de cette citoyenneté. J'ignorais tout du rôle de ce conseil. Je n'avais aucune appréhension. Je voulais juste découvrir.

Un accompagnement a été nécessaire pour mieux connaître le rôle du conseil citoyen. Pouvez-vous l’expliquer ?

J'avais absolument besoin d'être mieux informée sur le sujet. Un accompagnement était plus que nécessaire. À part mon expérience au sein de l'association des parents d'élèves, je n'avais pas d'autres connaissances de la vie associative , ni même de la citoyenneté.

Une association financée au titre de la politique de la ville a été chargée de cet accompagnement.

De très nombreuses et très longues réunions ont été mises en place afin de commencer à comprendre le rôle du conseil citoyen, la mise en place d'une association (de sa création à son fonctionnement). Lors des premières rencontres, les habitants étaient nombreux… certains se sont démobilisés. Mais il existe toujours un noyau dur de personnes motivées. Je pense que nous constituons une bonne association, de plus en plus forte.

Cet engagement prend du temps. Pouvez-vous nous le détailler ?

L'engagement des membres du conseil citoyen prend énormément de temps. Les sollicitations par des partenaires institutionnels (bailleur, ville, préfecture) se multiplient. Des réunions sont programmées, comme par exemple les nombreuses rencontres avec la ville pour connaître la programmation de la politique de la ville et les différents projets. Tout cela doit être préparé et organisé. Nous donnons notre avis et nous nous sentons utiles et pris en compte. Nous faisons le lien avec l'ensemble des habitants. Nous maîtrisons des notions hier encore inconnues : c'est quoi un projet ? C'est quoi des objectifs ? C'est quoi l'ANRU[Agence nationale pour la rénovation urbaine] ?

Être inscrit en géographie prioritaire de la politique de la ville, c'est par ailleurs la possibilité pour les acteurs présents sur ces territoires de bénéficier de moyens financiers complémentaires du droit commun dans les projets mis en place en direction des habitants de ces territoires. Le saviez-vous avant de devenir membre puis présidente du conseil citoyen ?

J'ignorais complètement les principes de la politique de la ville. Je savais simplement que les établissements scolaires situés dans les secteurs fragiles bénéficiaient de certaines aides sans en connaître le détail. Je me rends compte qu'il y a beaucoup de choses faites dans les quartiers pour aider les enfants, les personnes âgées, améliorer le cadre de vie, retrouver un emploi, etc.

Votre point de vue sur la politique de la ville avant et après votre engagement ?

Avant d'être impliquée, on ne se rend pas compte de ce qui existe. On prend mieux conscience des moyens mis en place. On a une tendance à attendre que les décisions viennent de là-haut, que les choses se fassent. En réalité, il faut agir et s'impliquer. Les décisionnaires ne sont pas forcément au courant des besoins des habitants. C'est à nous qu'il revient de le dire, de le faire savoir !

Votre engagement vous plaît-il ? Vous n'avez pas de regret ?

Mon engagement me plaît. Je me sens une citoyenne active. Je n'ai aucun regret même si cela prend beaucoup de mon temps. Mais qui ne fait rien n'a rien !

D'autres points que vous souhaitez partager avant la fin de notre échange ?

Je regrette que peu d'habitants ne soient pas dans une citoyenneté active. C'est une vraie catastrophe de mobiliser les autres habitants… c'est difficile et il faut sans cesse revenir à la charge.